Les girl groups est un genre musical né aux États-Unis, très populaire au début des années 1960, hybride de pop traditionnelle, de doo wop et de rhythm’n’blues. Ces chansons pop pleines de douceur, de naïveté adolescente séduisent instantanément le jeune public de la fin des années 50 délaissé par Elvis Presley parti à l’armée, et qui ne connaît pas encore les Beatles. Les mélodies sont enchanteresses, les paroles candides, les voix séraphiques, portées par des jeunes femmes ensorcelantes, à peine sorties de l’adolescence, ayant pratiquement l’âge de leurs auditeurs, favorisant ainsi l’identification et le sentiment d’appartenance.
Un girl group se compose de plusieurs jeunes chanteuses, en général trois ou quatre, qui vocalisent ensemble, certaines interprètes solos sont toutefois rattachées au genre. Bien souvent les rôles au sein du groupe sont strictement définis : les choristes servent de renfort harmonique lors des refrains à une lead singer, qui interprète l’ensemble du morceau. C’est en général la plus douée vocalement.
Le son girl group
Celui-ci est le résultat d’influences croisées et de la conjugaison des savoir-faire de tous ceux qui participent et oeuvrent à l’élaboration des chansons. Le son girl group est propre, polissé, influencé par les standards du rock’n’roll des pionniers (1954-1958). Les chanteuses ont des racines rhythm’n’blues ou gospel tandis que les auteurs, compositeurs et producteurs viennent du monde de la pop ou bénéficient d’une formation classique. Ce sont de vrais créateurs qui sont pour une bonne part dans l’efficacité des morceaux et qui contribuent dans l’ombre au succès des disques.
Le genre cristallise les questions existentielles liées à l’adolescence : les déclarations d’amour ( »Be My Baby » des Ronettes), la mariage ( »Chapel of Love » des Dixie Cups), les garçons ( »He’s a Rebel » des Crystals) et le défoulement ( »Locomotion » de Little Eva). Mais l’adolescence est aussi l’âge des angoisses et des premières trahisons : la première fois ( »Will You Love Me Tomorrow » des Shirelles), les déceptions amoureuses ( »Where Did Our Love Go » des Supremes). Certaines chansons adoptent un ton plus proche de la noire mélancolie du spleen que de l’optimisme ( »Past, Present and Future » des Shangri-Las). D’autres affichent un message féministe avant l’heure ( »You Don’t Own Me » de Lesley Gore). La question de l’identification et du rôle des sexes est parfois abordée ( »Johnny Get Angry » de Joanie Sommers), y compris sous l’angle du masochisme, l’ambigu ( »He Hit Me and It Felt Like a Kiss » des Crystals).
Historique
Les premiers girl groups
Les fondations du genre remontent aux années 1930. Des groupes de filles se produisaient sur les scènes de music-hall dans des numéros de vaudeville en chantant des chansons volontairement stupides, aux paroles absurdes, avec des voix burlesques.
Les Boswell Sisters enregistrent leurs premiers titres en 1930 chez Brunswick Records. Elles se démarquent de leurs consoeurs par la beauté de leurs interprétations et la qualité de leurs arrangements. Elles se séparent en 1936, mais sont remplacées l’année suivante par les Andrews Sisters. Au départ simple tribute band des Boswell, elles enregistrent une trentaine de succès jusqu’à leur séparation en 1953. Les Chordettes, autre groupe vocal de cette période, prennent la relève avec leur tube »Mr. Sandman » (1954).
Le simple »Maybe » des Chantels, sorti au début de l’année 1958, est le premier disque officiellement girl group de l’histoire. Dans la foulée, une myriade de 45 tours inondent le marché. C’est l’époque des one hit wonders (un groupe égale un succès) : »Mr. Lee » des Bobbettes, »Born To Late » des Poni-Tails, »Chains » des Cookies.
L’âge d’or 1961-1966 : la girl groups era
Le 20 novembre 1960, le simple des Shirelles »Will You Love Me Tomorrow » atteint la première place des charts pop US (et la deuxième des charts R&B), deux semaines après sa sortie. Il devient disque d’or l’année suivante, tout comme »Dedicated To the One I Love » et »Tonight’s the Night », anciens simples du groupe ressortis par la maison de disques dans la foulée. Ce succès ouvre la voie à une légion de jeunes chanteuses, en groupe ou en solo, qui adoptent ou se voient imposer l’esthétique et le son girl group. Il consacre le rôle prédominant du producteur et des auteurs compositeurs, véritables machines à tubes, sur les interprètes, souvent interchangeables, qui n’ont plus leur mot à dire et se contentent de suivre les indications.
Les labels et maisons d’édition
Aldon Music
La maison d’édition fondée en 1958 par Don Kirshner et Al Nevins dispose d’une des meilleures écuries de créateurs de chansons populaires. Le Brill Building, immeuble de New York localisé au 1619 Broadway est le quartier général de duos célèbres d’auteurs /compositeurs: Gerry Goffin & Carole King, Barry Mann & Cynthia Weil, Howard Greenfield & Neil Sedaka, Jeff Barry & Ellie Greenwich, Doc Pomus & Mort Shuman, Jerry Leiber & Mike Stoller. C’est là que s’écrivent les tubes des Shirelles, Cookies, Chiffons, Little Eva… ainsi que ceux des protégées de Phil Spector et des Shangri-Las de Shadow Morton.
L’usine à tubes Hitsville U.S.A., basée à Detroit, compte dans ses rangs : le trio d’auteurs compositeurs Holland, Dozier & Holland, Norman Whitfield & Barrett Strong, Nickolas Ashford & Valerie Simpson, Frank Wilson, Smokey Robinson… fournisseurs des Marvelettes, Velvelettes, Martha And The Vandellas, Diana Ross & The Supremes, Gladys Knight & The Pips.
Philles Records
Label créé en 1961 par Phil Spector et Lester Sill. Dès 1962, Spector se retrouve seul à sa tête. Il a un contrôle absolu sur les enregistrements et devient le seul maître à bord de ses productions.
Red Bird Records
Label créé par Leiber & Stoller en 1964. »Chapel of Love » des Dixie Cups, premier disque édité par la firme, est numéro un. Des 30 simples qui sortent au cours des deux années suivantes, 11 se classent dans le top 40.
Les producteurs
Phil Spector
Les Crystals, Darlene Love, les Ronettes portent l’empreinte de son mur de son. Les girl groups sont pour lui un moyen d’élaborer de véritables mini-symphonies pop. Ses chansons spectaculaires, aux climats wagnériens, trouveront un écho dans toute la production moderne, à commencer par les Beach Boys et les Rolling Stones (à travers Jack Nitzsche).
Shadow Morton
Les Shangri-Las jouent à fond la carte du mélodrame. Leurs productions intègrent des éléments de musique classique et de musique concrète (sons de moto ou de locomotive, cris de mouettes…).
1967 : le déclin du genre
Après l’année 1966 les girl groups subissent de plein fouet la concurrence de la British Invasion, du folk-rock, du rock psychédélique, du funk (qui naissent à quelques mois d’intervalle !) et ne font plus recette. Le public évolue et se tourne vers ces nouveaux groupes, plus en phase avec leurs préoccupations.
Phil Spector connaît un échec cuisant avec sa nouvelle production, le grandiose »River Deep, Mountain High » (Ike & Tina Turner) sur laquelle il a, artistiquement et financièrement, beaucoup investi. Il se retire du circuit en 1967. De fait, Philles Records cesse ses activités, tout comme Red Bird quelques mois plus tôt.
Shadow Morton délaisse les girl groups et se tourne vers le rock psychédélique.
De chez Motown, seules les Supremes arrivent à rivaliser, en termes de ventes, avec les Beatles. Le groupe devient simple accompagnateur de Diana Ross, et sert de rampe de lancement à sa carrière solo. Il ne survit pas longtemps à son départ en 1969.
De manière générale, les divas (chanteuses à voix) prennent le pas sur les girl groups à la fin des années 60, et finissent par les supplanter. Leurs chansons sont savamment construites et orchestrées, les productions de plus en plus sophistiquées, et tendent vers l’easy listening ou la variété. La paire Burt Bacharach & Hal David (deux vétérans du Brill Building) tire son épingle du jeu. Les chanteuses les plus représentatives de cette période sont Dionne Warwick, Jackie DeShannon, Dusty Springfield, Cilla Black.
Les girl groups sont définitivement passés de mode au début des années 1970. Toutefois quelques rescapées, notamment Carole King et Ronnie Spector réussissent à poursuivre une carrière solo.
Les filles les plus représentatives du genre (par ordre alphabétique)
- The Angels
- The Chantels
- The Chiffons
- The Crystals
- The Dixie Cups
- Lesley Gore
- Little Eva
- Martha & The Vandellas
- The Marvelettes
- The Ronettes
- The Shangri-Las
- The Shirelles
- The Supremes
- The Velvelettes
- Mary Wells
1958 |
CHANTELS, THE |
MAYBE |
1959 |
SHIRELLES, THE |
DEDICATED TO THE ONE I LOVE |
1960 |
SHIRELLES, THE |
TONIGHT’S THE NIGHT |
1961 |
CHANTELS, THE |
LOOK IN MY EYES |
1961 |
SHIRELLES, THE |
MAMA SAID |
1961 |
MARVELETTES, THE |
PLEASE MR. POSTMAN |
1961 |
SHIRELLES, THE |
WILL YOU LOVE ME TOMORROW |
1962 |
SHIRELLES, THE |
BABY IT’S YOU |
1962 |
MARVELETTES, THE |
BEECHWOOD 4-5789 |
1962 |
CRYSTALS, THE |
HE’S A REBEL |
1962 |
SHIRELLES, THE |
SOLDIER BOY |
1962 |
LITTLE EVA |
THE LOCO-MOTION |
1962 |
WELLS, MARY |
THE ONE WHO REALLY LOVES YOU |
1962 |
WELLS, MARY |
TWO LOVERS |
1962 |
WELLS, MARY |
YOU BEAT ME TO THE PUNCH |
1963 |
RONETTES, THE |
BABY, I LOVE YOU |
1963 |
RONETTES, THE |
BE MY BABY |
1963 |
MARTHA & THE VANDELLAS |
COME AND GET THESE MEMORIES |
1963 |
CRYSTALS, THE |
DA DOO RON RON |
1963 |
MARTHA & THE VANDELLAS |
HEAT WAVE |
1963 |
CHIFFONS, THE |
HE’S SO FINE |
1963 |
GORE, LESLEY |
IT’S MY PARTY |
1963 |
GORE, LESLEY |
JUDY’S TURN TO CRY |
1963 |
ANGELS, THE |
MY BOYFRIEND’S BACK |
1963 |
CHIFFONS, THE |
ONE FINE DAY |
1963 |
GORE, LESLEY |
SHE’S A FOOL |
1963 |
CRYSTALS, THE |
THEN HE KISSED ME |
1964 |
SUPREMES, THE |
BABY LOVE |
1964 |
DIXIE CUPS, THE |
CHAPEL OF LOVE |
1964 |
SUPREMES, THE |
COME SEE ABOUT ME |
1964 |
MARTHA & THE VANDELLAS |
DANCING IN THE STREET |
1964 |
HOLLOWAY, BRENDA |
EVERY LITTLE BIT HURTS |
1964 |
SHANGRI-LAS, THE |
LEADER OF THE PACK |
1964 |
WELLS, MARY |
MY GUY |
1964 |
VELVELETTES, THE |
NEEDLE IN A HAYSTACK |
1964 |
SHANGRI-LAS, THE |
REMEMBER (WALKING IN THE SAND) |
1964 |
RONETTES, THE |
WALKING IN THE RAIN |
1964 |
SUPREMES, THE |
WHERE DID OUR LOVE GO |
1964 |
GORE, LESLEY |
YOU DON’T OWN ME |
1965 |
MARVELETTES, THE |
DON’T MESS WITH BILL |
1965 |
VELVELETTES, THE |
HE WAS REALLY SAYIN’ SOMETHIN’ |
1965 |
DIXIE CUPS, THE |
IKO IKO |
1965 |
MARTHA & THE VANDELLAS |
LOVE |
1965 |
MARTHA & THE VANDELLAS |
NOWHERE TO RUN |
1965 |
SUPREMES, THE |
STOP! IN THE NAME OF LOVE |
1965 |
WESTON, KIM |
TAKE ME IN YOUR ARMS |
1965 |
HOLLOWAY, BRENDA |
WHEN I’M GONE |
1966 |
MARTHA & THE VANDELLAS |
JIMMY MACK |
1966 |
MARVELETTES, THE |
THE HUNTER GETS CAPTURED BY THE GAME |
1966 |
SUPREMES, THE |
YOU CAN’T HURRY LOVE |
1966 |
SUPREMES, THE |
YOU KEEP ME HANGIN’ ON |
1968 |
WRIGHT, RITA |
I CAN’T GIVE BACK THE LOVE I FEEL FOR YOU |
1968 |
SUPREMES, THE |
LOVE CHILD |
1970 |
ROSS, DIANA |
AIN’T NO MOUNTAIN HIGH ENOUGH |
1970 |
SUPREMES, THE |
STONED LOVE |
1970 |
SUPREMES, THE |
UP THE LADDER TO THE ROOF |
1971 |
SUPREMES, THE |
NATHAN JONES |
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